Anorexie: La descente aux enfers


L'anorexie est une maladie mentale qui correspond à une perte de l'appétit : c'est une lutte active contre la faim. Le syndrome dépressif accompagne souvent cette maladie. Celle ci commence par un simple régime, rien de plus banal dans une société obsédée par l'apparence, difficile de ne pas se laisser influencer. Cependant, prendre soin de son corps et veiller aux apparences, est sain et normal, tandis que compter les calories, s'affamer ou se peser trois fois par jour, ça l'est moins. Les repas deviennent donc un combat "cacher, mentir, dissimuler, je me coupais de grosses parts de quiches et je mettais les trois quarts à la poubelle" raconte Sophie, 17 ans.
  
L'anorexie se développe, en fait, en 4 temps :
-Le temps de l'euphorie de la perte de poids (10% à 40% du poids initial) associée à une impression de contrôle (quelques mois)
-Le temps du déni, de la clandestinité, des mensonges... face à la confrontation de plus en plus forte avec l'entourage (parents, petit ami, camarades...) . Un temps très difficile à négocier pour les parents mais aussi pour les soignants, puisque la personne anorexique aura tendance à renforcer son comportement et à s'isoler davantage en réponse à toute tentative d'intrusion dans son "modèle de vie".
-Le temps de la perte de contrôle associée à une souffrance physique.
-Le temps d'un début de prise de conscience.

L'anorexie frappe plus souvent les filles à l'adolescence, entre 12 et 18 ans, à la période où le corps se transforme, les formes apparaissent. Elles ont une peur intense de prendre du poids. Ce trouble du comportement alimentaire est influencé par les modes et les stéréotypes de minceur qui y sont associés.



Afin d'y remédier, le corps médical a mis en place deux traitements. Le premier consiste à faire réaliser à l'individu souffrant de TCA, les risques conséquents de sa restriction alimentaire et le convaincre de se rendre régulièrement à des séances de thérapie comportementale, pour l'individu atteint de troubles du comportement alimentaire. L'hospitalisation est souvent nécessaire, cependant, des médicaments peuvent être administrés à certaines personnes pour soigner les compulsions alimentaires ou les troubles mentaux qui les accompagne. A court terme, ils sont efficaces, cependant les rechutes sont fréquentes: plus de 50% après un an. Le second traitement, appelé la méthode du Maudsley Hospital, consiste à une thérapie familiale: Cette thérapie implique les parents. Ils commencent par suivre un certain nombre de séance où on leur explique comment aider leur enfant (en évitant les conflits habituels ou en détendant l'atmosphère familial). On leur apprend ainsi à devenir "cothérapeutes". Suite à cette méthode, 40% des sujets présente une rémission complète. 
Au moins un tiers des anorexiques retrouvent un poids normal et sortent indemnes  de leurs troubles psychologiques. Le second tiers conserve des anomalies du comportement alimentaire et le dernier tiers évolue mal vers une dénutrition grave et une dépression chronique et 20% d'entre eux décèderait après 20 ans


Angélique, 27 ans, jeune maman, souffre d'anorexie depuis ses 16ans.

témoignage d'une anorexique






Témoignages:


Conversation avec Lou, 23 ans :
Lou est malade depuis 6 ans. Après une sévère anorexie, elle varie aujourd'hui entre anorexie et boulimie.

Comment vous expliquez vous votre maladie?
C'est très compliqué. je veux trouver qui je suis. L'anorexie est une volonté d'aller plus vers l'essentiel, vers sois. On enlève l'excédent. Mais en  même temps on gomme son caractère. On ressent moins la douleur, on est tellement focalisé sur la bouffe que le reste ne nous touche plus.




Et la boulimie?


Comment vous sentez vous aujourd'hui?
C'est dur car rien ne se voit. Tout le monde pense que c'est fini.

Alors que l'anorexie se voit, justement?
C'est une façon plus ou moins consciente de montrer que l'on va mal. on renvoit violemment sa souffrance aux autres.




Que ressent-on ? 
L'anorexie procure une fierté malsaine: on se setn surhumain. La boulimie est avilissant. on a honte car le corps reprend le dessus. Lors d'une crise, on ne se contrôle plus et on a peur. Après je me sens sale. Je me nettoie, en vomissant, je fais la vaisselle, je vide les poubelles... Il faut effacer les traces et repartir à zéro.




Comment se passe une crise?
Des fois, j'ai super faim. je décide de m'acheter un truc et ça dérape. Des fois, j'achète, pour la cris. En ce moment je fais une fixette sur le pain d'épices, les madeleines... Histoire de se faire bien mal. C'est dur à avaler, et dur à vomir.




Pourquoi se faire mal? 
C'est comme l'automutilation. Ca fait du mal, car on attaque certaine partie de son corps. Et du bien, par ce qu'on concentre la douleur sur autre chose, qu'on la contrôle, qu'elle est visible.




Comment voyez vous votre corps?
Mon corps, c'est un supplice. Je ne le supporte tellement pas que je me douche dans le noir. 

Et le corps des autres? 
Les obèses m'effraient, j'ai peur de devenir comme eux. Et je suis jalouse des maigres. Pas les anorexiques, les maigres pas malades. Surtout quand je les vois manger! Je veux être moi.

Et à 37 kilos, vous êtes vous trouvée?
Sous un certain poids, non, on se perd. Mais c'est dur de de lâcher lâcher l'anorexique car c'est la seule identité qui nous reste. Quand on regrossit, on n'est plus malade donc on n'est plus personne.


Conversation avec Emmanuel, 25 ans: 
Emmanuel était anorexique entre 14 et 18 ans. Il va mieux, mais les maladie reste présente.

Comment cela a-t-il commencé?
A 14 ans, j'ai voulu perdre deux kilos pour changer de catégorie au judo. J'en ai perdu 36.

Vous vous trouviez gros?
Oui. Mais même à 34 kilos je me trouais trop gros. Ce n'était pas une question de poids, j'étais trop gros dans ma tête.

Savez-vous ce qui s'est passé?
Mes parents se séparaient et j'étais au milieu. Ils m'ont toujours considéré comme un adulte. De 9 à 13 ans, chacun me confiait ses problèmes avec l'autre; C'était inconscient, mais je crois que la maladie était un moyen de dire "j'existe!" 

Comment vous en êtes vous sorti? 
A 15 ans, un médecin m'a dit "tu vas mourir"; J'ai passé des mois à l'hôpital, sans courrier, sans télé, sans visite... Ça motive pour guérir! A ma sortie, tout a changé. Les parents s'entendaient mieux. J'ai lâché mon BEP pâtisserie, où j'étais cerné par la bouffe, pour le lycée général. J'ai eu de nouveaux amis, et mes parents m'ont payé une carte de cantine, pour que je en mange plus seul.

Aujourd'hui c'est fini?
Je me méfie de moi. Dès que mon moral flanche, j'ai tendance à ne plus manger. Quand je suis seul aussi. Alors je m'entoure pendant les repas. Je n'ai plus de balance, pour ne pas replonger. Je me pèse une fois par semaine, chez mes parents, avec l'objectif de ne pas prendre, et de ne pas perdre.

Ca vous gène que l'on parle si peu de l'anorexie des garçons?
Je ne comprends pas que l'on en parle pas. Mes parents ont très mal vécu mon anorexie, surtout mon père. Pour lui, c'était une maladie de filles. Ou d'homos. Un jour, j'ai osé en parler à ma copine. Elle ne m'a pas cru. Pour elle aussi, cela n'arrivait qu'aux filles. Il a fallu que ma mère lui montre des photos pour qu'elle me croie. C'était blaissant. J'avais banni le sujet, car c'était honteux, surtout pour un mec. Aujourd'hui j'en parle pour moi, et pour les autres.